Digesta OnLine 2023

Les droits au bonheur et au tourisme

Antoine Maniatis

Membre associé du Centre de recherches juridiques de Paris 8 (CRJP8), HDR

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Résumé

Les droits au bonheur consistent en le droit à la poursuite du bonheur, consacré dans la version de 1946 de la Constitution japonaise ainsi que dans la version de 1987 de la Constitution de la Corée du Sud, et le droit à la sérénité, reconnu dans la Constitution péruvienne de 1993 à travers l’utilisation du terme « droit à la tranquillité ». Ce groupe est interconnecté avec le groupe des droits au tourisme au sens ample, qui inclut le droit au tourisme, étant constitutionnalisé depuis 1947, et le droit à l’hospitalité. La garantie de l’hospitalité est applicable dans divers domaines hétéroclites, bien au-delà du secteur touristique, mais elle est extrêmement marginale en termes de consécration et s’avère parfois controversée. Par ailleurs, le préambule de la Constitution et d’autres sources du droit ont diachroniquement constitué un espace d’accueil (hospitalité) de diverses innovations normatives, comme celles liées au bonheur et au tourisme.

Mots-clés

bonheur, hospitalité, préambule, sérénité, tourisme

Abstract

The rights to happiness consist in the right to pursuit of happiness, which has been consecrated in the 1946 version of the Japanese Constitution and also in the 1987 version of the Constitution of South Korea, and the right to serenity which is recognized in the 1993 Constitution of Peru through the use of the term ‘’right to tranquility’’. This group is interconnected with the group of rights to tourism in a wide sense, including the right to tourism, having been constitutionalized since 1947, and the right to hospitality. The guarantee of hospitality is applicable in various heteroclite domains, far beyond the tourism sector, but it is extremely marginal in terms of consecration and sometimes proves to be controversial. Besides, the preamble of the Constitution and other sources of law has diachronically constituted a space of reception (hospitality) of various normative innovations, such as those related to happiness and tourism.

Keywords

happiness, hospitality, preamble, serenity, tourism

Introduction: Droits relatifs à la sphère privée en voie de reconnaissance

Le niveau de la Constitution en tant que source de droit emblématique dispose de la particularité d’une meilleure visibilité des garanties consacrées et aussi d’une osmose entre le droit public et le droit privé, comme cela est bien le cas des droits civils pour des raisons inter alia terminologiques. En effet, la discussion classique de la summa divisio entre, d’une part, le droit public et, d’autre part, le droit privé est enrichie par la transcendance de ces deux branches génériques par la norme constitutionnelle. Une telle transcendance est renforcée par le phénomène d’interdépendance entre les droits de l’homme.

Si la thématique de ces droits crée une connotation du mouvement initial de constitutionnalisme et de la consécration historique des droits civils et politiques depuis la révolution américaine, dont le droit à la poursuite du bonheur, elle a connu un véritable renouveau pendant l’ère des droits économiques, sociaux et culturels, notamment dès le début de la période post-guerre ; il serait donc pertinent de tracer le profil des deux garanties de la sphère privée, lesquelles ne commencent à gagner la reconnaissance constitutionnelle que dans cette période-là. Il s’agit des garanties du bonheur personnel (I) et du phénomène touristique (II). Cette analyse est complétée par des remarques finales qui servent de conclusion globale, avec une référence emphatique au rôle des préambules de diverses sources de droit par rapport à des nouveautés normatives.

  1. La question des droits au bonheur au sens ample
  2. La question du droit à la poursuite du bonheur

La question d’un droit hypothétique de l’homme à la poursuite du bonheur est une question philosophique, laquelle constitue un problème controversé au champ de la discipline du droit. En effet, une part de la doctrine basée inter alia sur des données jurisprudentielles rejette l’existence de la garantie du bonheur[1].

Il est vrai qu’en principe les constitutions s’abstiennent de faire des références à concepts plus ou moins recherchés et subjectifs, tels que le bonheur des individus[2]. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de véritables constitutions qui fassent une référence au bonheur des gens[3].

Plus précisément, deux déclarations révolutionnaires ont d’abord fait parole du bonheur. La première consiste en la Déclaration d’indépendance des États-Unis, du 4 juillet 1776, laquelle reconnaît les droits inaliénables à la Vie, à la Liberté et à la poursuite du Bonheur. La Déclaration américaine a été suivie par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, dont le préambule fixe l’objectif que « les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous ». Qui plus est, le préambule de la Constitution de la France, du 4 octobre 1958, prévoit que le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789.

Il est aussi notable que le préambule de la première Constitution de l’Égypte en tant qu’État indépendant, adoptée en 1923, fait une référence emphatique, à deux points, au bonheur du peuple, chose comparable au précédent révolutionnaire français. Mais le cas japonais est plus important étant donné que la version courante de la Constitution du Japon, laquelle a été votée en 1946 et est en vigueur depuis le 3 mai 1947, a consacré le droit à la recherche du bonheur, pour la première fois dans le texte d’une Constitution, à climax mondial. Selon l’article 13, « Tous les citoyens devront être respectés comme individus. Leur droit à la vie, à la liberté, à la poursuite du bonheur, dans la mesure où il ne fait pas obstacle au bien-être public, demeure le souci suprême du législateur et des autres responsables du gouvernement »[4]. L’ajout de cette disposition originale, inspirée par le précédent américain, a provoqué une controverse. D’une part, selon une approche, cette disposition ne reconnaît aucun droit concret mais elle se limite à la déclaration d’un principe général sur la gouvernance de l’État. D’autre part, il existe une approche contraire, selon laquelle cette règle peut être valorisée comme une base constitutionnelle pour de nouveaux droits civils. Pour une fois plus, est désigné un thème classique en droit constitutionnel comparé, tel que la question de nouveaux droits, qui ne sont pas encore consacrés, du moins explicitement dans la constitution. Cela est le cas du droit à la vie privée, des droits environnementaux et du droit à la personnalité dans le contexte japonais, en particulier compte tenu du fait qu’aucune révision formelle de la Constitution n’a été survenue. Par conséquent, ce texte est considéré comme la Constitution inchangée la plus ancienne à climax mondial.

 La Constitution de la Corée du Sud, dotée déjà d’une référence au bonheur du peuple coréen dans le préambule de la version initiale, de 1948, cite depuis 1987: « Tous les citoyens doivent être assurés de la valeur et de la dignité humaines et ont le droit de poursuivre le bonheur».

Une telle reconnaissance combinée avec la « valeur », proprement dite, de l’homme a une importance accrue étant donné qu’elle renforce l’originalité de la Constitution grecque, adoptée en 1975, qui se réfère à la « valeur » et non pas uniquement à la « dignité » de l’homme. Dans cet ordre d’idées, une question philosophique et psychologique par excellence, telle que le bonheur personnel, constitue le véritable corollaire de la notion générique de « valeur » et de la notion spéciale de « dignité » de l’être humain.

En outre, l’administration publique de pays développés, tels que la France et le Japon, a récemment réalisé une enquête empirique sur les facteurs de motivation des fonctionnaires ; « Ikigai » est appelé en japonais l’outil d’atteindre le bonheur à la fois au plan personnel et au professionnel[5]. Cet équivalent à l’expression française « raison d’être », constitue un véritable concept de la tradition du peuple japonais, lequel date du dixième siècle. La recherche regroupant les facteurs compétents français et japonais est orientée au développement personnel des individus et à favoriser l’attractivité des postes de travail lesquels sont disponibles dans le secteur public. Elle tire profit de milieux particuliers à cet égard, tels qu’une certaine région du Japon et l’île grecque d’Ikaria, située à l’Est de la Mer Égée. Cette île n’est pas une région développée par excellence, d’autant plus particulièrement favorisée par le pouvoir central, mais elle détient le record de longévité, avec les habitants les plus âgés de la Grèce. La recherche internationale susmentionnée se réfère à des questions concrètes, dont la première est «Ce que vous aimez», laquelle est étroitement liée à la recherche du bonheur personnel. Il conviendrait de signaler que la France a récemment mis l’accent sur les procédures de sélection et de motivation des fonctionnaires, comme cela est le cas du projet introduit par arrêté du 09/06/2021. Ce programme issu de la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) crée un traitement automatisé de données à caractère, dénommé « Vinci : le vivier interministériel des cadres ». Il vise inter alia à identifier les compétences détenues par les membres de l’encadrement supérieur et à faire connaître les postes à pourvoir. Il conviendrait de souligner que la question d’attirer et de motiver les ressources humaines préoccupe l’appareil administratif français. À titre d’exemple, il est estimé qu’il existe un problème quant à l’encadrement par des professeurs de l’enseignement secondaire puisque ceux-ci tiennent compte du fait que, une fois recrutés, en principe ils recevront le même salaire chaque année[6].

 

  1. La question du droit à la sérénité

La sérénité, mot de provenance du latin «serenitas» signifiant sécheresse, est une propriété de la nature, comme cela est le cas d’un temps. Mais elle concerne aussi l’état de l’homme, bien qu’elle ait traditionnellement constitué un terme marginal, sinon inexistant, en droit positif. Cependant, l’Union européenne a récemment reconnu un nouveau droit des habitants, à l’égard des œuvres techniques et des inconvénients qui pourraient en résulter[7]. Certains États membres avaient adopté des mesures visant à réduire les coûts du déploiement de réseaux de communication électronique à haut débit mais ces mesures demeuraient rares et isolées. Suite de cette politique de protectionnisme national envers les nouvelles technologies, l’article 5 de la directive 2014/61/UE prévoit que tout opérateur de réseau est doté du droit de négocier des accords en ce qui concerne la coordination des travaux de génie civil avec les entreprises fournissant ou autorisées à fournir des réseaux de communications électroniques en vue du déploiement d’éléments de réseaux en la matière. Le même article, lequel porte sur la coordination des travaux de « génie civil », règle le droit des entreprises susmentionnées à demander à tout opérateur de réseau effectuant directement ou indirectement des travaux de génie civil entièrement ou partiellement financés par des fonds publics, par exemple à travers le Partenariat Public-Privé (PPP), la coordination, selon des modalités transparentes et non discriminatoires, de leurs travaux de génie civil. La mesure de coordination va au-delà de pures préoccupations financières, elle pourrait « réduire au minimum les inconvénients pour la zone concer-née par le déploiement de nouveaux réseaux de communications électroniques ». Il en résulte que la directive préserve le droit des habitants à la sérénité, menacé par des opérations techniques pour l’installation des réseaux, dont ceux des communications électroniques. Dans cet ordre d’idées, on pourrait aussi citer le droit à la ville. Cette garantie est particulièrement liée à la vie quotidienne des habitants des villes, laquelle d’une part est dotée des infrastructures et de maintes possibilités offertes par les villes et d’autre part est menacée de dégradation par la construction et l’opération d’infrastructures.

De plus, la directive (UE) 2015/2302 relative aux voyages à forfait sous-entend le droit des voyageurs à la sérénité[8]. Selon le préambule, « Le dédommagement devrait également couvrir le préjudice moral, par exemple pour ne pas avoir pu profiter du voyage ou du séjour de vacances en raison de problèmes importants dans la prestation des services de voyage prévus ». Le caractère non-matériel du préjudice des voyageurs renvoie au concept de la sérénité, lequel est intrinsèquement lié au concept des vacances et particulièrement du tourisme.

Qui plus est, le préambule du règlement (UE) 2021/782 sur les droits et les obligations des voyageurs (DOV) ferroviaires cite qu’il est important que les entreprises ferroviaires, lorsqu’elles proposent des billets directs, tiennent compte de temps de correspondance minimaux réalistes et applicables lors de la réservation initiale, ainsi que tous les facteurs pertinents tels que la taille et l’emplacement des différentes gares et des différents quais. Il s’agit d’une règle assez lapidaire, qui cependant mérite bien d’exister, d’autant plus qu’elle n’est pas reproduite dans le texte principal. Elle impose le principe de réalisme quant au nécessaire processus de programmation des correspondances, au profit des passagers, tandis que ce règlement introduit la nouveauté consumériste de l’obligation des prestataires de services de proposer un «billet unique» à ceux-ci. Elle sous-entend l’existence d’un droit du voyageur à la sérénité de son voyage, lequel est applicable lors du déplacement en train et également durant le temps de correspondance.

Enfin, il est notable que Sénèque dans ses ouvrages « De vita beata » et « De tranquillitate animi » se réfère à la sérénité en tant qu’état à atteindre par détachement des préoccupations terrestres. Il est comparable le fait que la Constitution politique du Pérou, de 1993, malgré le fait qu’elle ne fait pas usage de l’expression « droit à la sérénité », consacre à l’article 11 le droit de chaque personne inter alia à la paix et à la tranquillité. La tranquillité est en général considérée comme vocable synonyme de la sérénité et donc la garantie de la sérénité a depuis longtemps une valeur constitutionnelle.

  1. Les droits au tourisme au sens ample
  2. Le droit au tourisme

Le premier texte normatif en Espagne, sinon dans le monde entier, qui fait preuve d’un contenu nettement touristique est le décret royal de l’État espagnol, du 6 octobre 1905, en vertu lequel une Commission Nationale a été créée pour promouvoir les excursions artistiques et de récréation du public étranger. La mission fondamentale de la Commission déjà à cette époque-là consistait en attirer les touristes étrangers en Espagne comme mécanisme permettant de maintenir la balance des paiements dans une situation favorable[9]. Ce décret marque le début d’une période de «législation du tourisme », laquelle a été beaucoup plus tard promue en «droit du tourisme», au sens de branche à part entière. Il ne fait qu’un usage plutôt marginal du mot «tourisme», à savoir une seule fois, et voire dans le préambule. Les mots «touriste» et «tourisme» font partie du langage quotidien au moins depuis 1912. Il en résulte que l’incorporation du terme « tourisme » dans ce décret a été peut-être une initiative recherchée. Le début de la législation du tourisme a eu lieu pendant la seconde étape de l’histoire du tourisme en Espagne. Cette étape, apparue vers 1900 et perdurée jusqu’en 1936, est le commencement du tourisme moderne, entendu comme « l’industrie du tourisme » et marqué par la formation d’un système touristique national. Il est aussi notable que la loi 48/1963, du 8 juillet, sur les compétences touristiques, dispose d’une définition du «tourisme», dans le préambule, laquelle a été en partie critiquée par la doctrine[10].

À l’entre-temps, la garantie du tourisme avait déjà émergé au niveau constitutionnel, dans la Constitution républicaine de l’Italie, laquelle dans sa forme initiale, adoptée en 1947, fait parole du système « tourisme et industrie hôtelière » en tant que champ de compétence législative des Régions et non pas de l’État central. Qui plus est, le vocable « industrie » a été réservé au marché hôtelier, dans le texte entier[11]. La référence à ce système a été pleinement radié au cours de la révision de 2001 sans que cela ne représente une tendance à contester l’importance du tourisme, lequel désormais semble avoir éclipsé le concept d’industrie hôtelière et celui d’hospitalité des touristes, à travers leur absorption.

Malgré le phénomène de déconstitutionnalisation du tourisme, la consécration de ce secteur a été répandue dans un relativement petit nombre de constitutions. Qui plus est, l’Organisation Mondiale du Tourisme a explicitement garanti le tourisme et l’hospitalité dans le cadre de la première codification du droit internationale du droit du tourisme. Il s’agit de deux textes jumeaux, appelés Charte du tourisme et Code du touriste, lesquels constituent essentiellement un seul ensemble, adopté en septembre 1985 par résolution de l’Assemblée générale. Ces textes ratifient le contenu de la Déclaration de Manille sur le tourisme mondial, de 1980, tandis que c’est le vocable «hospitalité» qui a été ajouté.

De plus, le Code mondial d’éthique du tourisme, adopté par l’Organisation Mondiale du Tourisme en 1999, lequel cite dans le préambule qu’il se place dans le prolongement de ces deux textes, règle le « droit au tourisme ». Il consacre aussi emphatiquement le multiculturalisme, principe qui a été promu par la singularité de la Grèce, laquelle en 2002 a privilégié la qualification de compétence à des « langues rares », quant aux conditions d’entrée aux écoles productives des guides[12].

  1. Le droit à l’hospitalité

 L’hospitalité ne constitue pas tout simplement un droit, elle est applicable dans le domaine du tourisme et aussi dans d’autres secteurs hétéroclites, dont celui des réfugiés et des immigrés[13]. Malgré son importance intersectorielle, on ne fait pas une consécration explicite de cette garantie (ni en tant que droit ni sous forme de principe général), du moins dans les constitutions.

Il existe au niveau normatif et doctrinal une approche conceptuelle étroite de l’hospitalité ; il n’est pas conjoncturel que la première constitution qui a fait mention du phénomène du tourisme s’est abstenue d’utiliser ce vocable, en optant pour l’expression « industrie hôtelière ». Mais ce terme constitue une confirmation du caractère économique du tourisme au sens ample, tout en institutionnalisant l’interlocuteur professionnel du touriste. Il est assez vague étant donné que ce secteur de l’économie ne consiste pas uniquement en des hôtels mais concerne d’autres institutions, telles que les restaurants et les services de catering. Qui plus est, l’hospitalité signifie en principe offre gratuite, en tant que geste d’amitié, d’où un caractère controversé de l’usage plus ample du terme.

 En tout cas, l’émergence juridique de ce vocable a été historiquement liée à la tendance internationale à émancipation du droit du tourisme. Le mot « hospitalité » a fait une apparition plutôt marginale dans le cadre de la première codification. Il n’a été utilisé qu’une seule fois, à l’article VII de la Charte du tourisme. De plus, l’ironie du sort est là, la nouvelle phase du droit du tourisme, marquée dès le début par le terme emblématique « hospitalité », est devenue plus tard identifiable par une expérimentation maximaliste de la Commission européenne, baptisée par le mot grec « Philoxenia » signifiant Hospitalité. La Commission a fait un recul en arrière tout en retirant sa proposition pour le premier programme pluriannuel de la Communauté Européenne sur le tourisme (1997-2000), à cause du manque de volonté politique de part du Conseil.

 Il est aussi notable que l’hospitalité est absente ou moins intensément prévue que le tourisme lui-même dans les diverses sources de droit, y compris le droit mou[14]. À titre d’exemple, la Convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique, adoptée par la Conférence générale de l’Unesco le 2 novembre 2001, ne fait aucune mention du tourisme, à la seule exception du préambule, dans lequel le tourisme est tout simplement inclus dans le concept plus ample de récréation. En même temps, il n’existe pas une consécration, du moins nette, du principe d’hospitalité. Mais l’hospitalité est une garantie générale qui va au-delà d’une simple branche de droit, telle que le droit de la culture ou le droit du tourisme, et la simple attitude des individus ; les gens ont la tendance à qualifier la mer d’hospitalière ou non. Qui plus est, l’approche de préférence accordée à la préservation du patrimoine culturel subaquatique in situ reconnaît que, dans des situations normales, le patrimoine est bien préservé sous l’eau du fait du faible taux de détérioration et du manque d’oxygène, et qu’il n’est pas donc, en soi, pas en danger.

Conclusion : Approche globale avec emphase aux préambules pour des nouveautés

La présente recherche aboutit à des remarques critiques tant au niveau matériel qu’au niveau formel, comme suit :

  1. Observations sur le fond

Dans certains ordres juridiques les droits au bonheur et au tourisme ne sont pas inexistants tandis que les seconds sont beaucoup plus reconnus que les premiers. Néanmoins, tous les deux groupes demeurent plus ou moins marginaux en droit comparé, d’autant plus en ce qui concerne la consécration du terme « droit ».

Il est aussi notable que la notion de l’industrie, même s’il s’agit en réalité du sens métaphorique du vocable, a constitué une expression emblématique pour le développement du secteur du tourisme et aussi pour son approche juridique, comme ces deux phénomènes ont coïncidé dans la seconde étape de l’histoire touristique de l’Espagne. Le droit du tourisme est dès le début régi par des préoccupations économiques avec emphase aux intérêts des entreprises du secteur. À titre d’exemple, l’évolution précitée de la consécration du multiculturalisme dans le cadre des écoles productives des guides en Grèce n’est pas attribuée en principe à une politique axée sur le multiculturalisme lui-même mais aux besoins du marché d’information touristique.

 Cette approche économique est présente aussi, les proportions gardées, au sujet de la question de la garantie du bonheur, individuel et collectif. Cela est le cas de la tendance de l’administration publique française à localiser des motifs satisfaisants pour attirer et maintenir des fonctionnaires de haut niveau, y compris des cadres, dans le secteur public.

En outre, il conviendrait de signaler qu’il existe des relations de correspondance transversale entre les groupes des droits au bonheur et les droits au tourisme. Le droit à la poursuite du bonheur ne saurait être considéré comme la mère de tous les autres droits de l’homme[15], mais il a une portée générale et centrale, de rang supérieur du point de vue philosophique. Donc, il est comparable avec le droit au tourisme par rapport au droit secondaire à l’hospitalité vers les touristes. De plus, la garantie de la sérénité et celle de l’hospitalité font preuve d’une propriété qui va bien au-delà de l’état de l’homme, elles servent de qualification de divers aspects du milieu naturel. À titre d’exemple, on fait parole d’un « temps serein » et d’une « mer hospitalière ». Il en résulte que la nature pourrait fonctionner comme une véritable source d’inspiration et de référence pour la consécration de ces deux garanties au champ des relations humaines.

  1. Observations sur la forme : le cas des préambules

Le préambule de diverses sources de droit, illustrées par les constitutions, dispose d’une position et d’une fonction distinguées et importantes dans la thématique des droits de l’homme, comme cela est le cas du renvoi du préambule de la constitution française à la déclaration de 1789. De plus, la présente recherche a désigné le fait que le préambule s’avère être potentiellement un espace d’accueil de diverses nouveautés, lesquelles dans certains cas sont localisées uniquement dans cet espace et non pas dans la partie principale du texte normatif. En d’autres termes, le préambule n’est pas tout simplement la vitrine d’une source de droit mais peut aussi servir d’avant-garde par rapport aux normes plus amples, sous forme d’espace d’accueil (hospitalité) de nouveautés. Une telle ouverture à l’innovation semble être politiquement moins difficile étant donné que le préambule constitue un extrait d’ordre philosophique et idéologique, dont le caractère contraignant n’est pas toujours assez clair. Il est indicatif qu’au Brésil, l’instance juridictionnelle suprême a estimé en 2002 que « (…) Le Préambule de la Constitution ne dispose pourtant pas de force normative »[16].

Le préambule joue un rôle pilote, au sens que l’introduction de quelques garanties uniquement dans ceci pourrait être renforcée par leur future consécration plus avancée, surtout dans la partie principale du même texte.

Ces remarques générales sont plus ou moins confirmées dans la thématique analysée des droits au bonheur et au tourisme. D’un côté, quant à la question du bonheur, le bonheur est énoncé uniquement dans le préambule, dans la Déclaration française de 1789, la Constitution égyptienne de 1923 et (avant la révision de 1987) la Constitution de la Corée du Sud. Il conviendrait de souligner que cette technique sur la forme va de pair avec une option politique sur le fond puisque que c’est le bonheur en tant que bien collectif du peuple qui est consacré. Une telle approche du bonheur a été essentiellement renforcée par le fait que la version révisée de la Constitution japonaise, de 1946, ne reconnaît pas le droit de l’individu à la poursuite du bonheur d’une manière absolue mais essentiellement elle le subordonne au bien collectif de bien-être public, chose qui d’ailleurs illustre la tendance générale à prévoir des restrictions sur les droits énoncés. Néanmoins, un tel rempart contre l’individualisme n’a pas été adopté dans la Constitution de la Corée du Sud.

D’une manière comparable, le droit à la sérénité est sous-entendu dans le préambule de la directive (UE) 2015/2302, au sujet de l’indemnisation des participants des voyages à forfait pour dommage moral. En droit des transports il est aussi suggéré uniquement dans le préambule, dans le cadre du règlement (UE) 2021/782 au sujet des correspondances par rapport à l’offre de billets uniques.

 De l’autre côté, en Espagne le néologisme « tourisme » a émergé en droit positif dans le préambule du premier texte normatif nettement touristique, en 1905. Une telle initiation étant typique pour le préambule a été réitérée dans la loi 48/1963, par la formulation de la définition de ce phénomène. De plus, le tourisme est sous-entendu dans le préambule de la Convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique, de 2001.

En outre, il conviendrait de souligner le fait que l’hospitalité, laquelle est explicitement consacrée d’une manière beaucoup plus limitée que le tourisme en droit du tourisme, demeure si marginalisée qu’en principe elle n’est pas énoncée même dans le préambule des sources de droit. En tant qu’objet de revendication, elle constitue un concept controversé par excellence, puisqu’elle est invoquée par les impuissants à l’égard des privilégiés, au sujet d’exercice ou de répartition de compétences, comme cela a été le cas du programme de la Communauté européenne «Philoxenia».

Il est notable que la doctrine a fait le parallèle entre le corps (corpus, texte) et la tête (préambule)[17]. En vue de l’analyse achevée qui est axée sur le préambule en tant qu’espace de nouveautés relatives au tourisme, il serait aussi possible de faire parole de grenier par rapport au bâtiment plus ample.

Enfin, les droits au bonheur et au tourisme constituent des garanties existantes, bien liées l’un à l’autre, qui mériteraient une reconnaissance plus étendue et voire coordonnée.

 

[1] Contra G. Gemma, Esiste un diritto costituzionale alla felicità?, in Anuario da Facultade de Dereito da Universidade da Coruña, 12, 2008, 519 ss.

[2] G. Ferro, Nuove frontiere della tutela del turista-consumatore nello spazio giuridico europeo e antiche diatribe domestiche: riflettendo sul c.d. ‘’danno da vacanza rovinata’’, Forum di Quaderni Costituzionali 27 giugno 2014, p. 15.

[3] A. Maniatis, L’acquis unioniste au champ du tourisme. Étude de droit du tourisme et ferroviaire, Éditions Universitaires Européennes, 2023.

[4] Http://mjp.univ-perp.fr/constit/jp1946.htm

[5]E. Leroy, Develop, attract and retain executive managers in the public service – Sharing experiences and good practices, Séminaire dans le cadre de la 86ème Exposition Internationale de commerce « Sélection et Formation des Cadres du Secteur Public : Le nouveau Programme Spécial du Centre National de l’Administration Publique et des Collectivités Locales, 11.09.2022.

[6] Ibid.

[7] J. Kitsos, A. Maniatis, Les communications électroniques dans le cadre de la directive 2014/61/UE, R.A.E. – L.E.A. 2019-I, p. 106.

[8] A. Maniatis, Les voyages à forfait et les prestations de voyage liées dans le cadre de la directive 2015/2302/UE, RDUE 2019-3, p. 92.

[9] A. Villanueva Cuevas, La política de la Unión Europea en materia de turismo y sus repercusiones en la Legislación Turística Española, Reus, Madrid, 2012, p. 24.

[10] Ibid., n. 70.

[11] M. Golla, Gestione dei servizi turistici: poteri amministrativi e unità del mercato, in T. Font i Llovet, L. Vandelli (dirs.), Ordenación jurídico-administrativa del turismo, Atelier Libros Jurídicos, 2018, p. 82.

[12] A. Maniatis, Les droits au tourisme et à l’hospitalité. Étude de droit du tourisme, Éditions Universitaires Européennes, 2022, p. 4.

[13] Ibid., p. 330.

[14] A. Maniatis, Le patrimoine culturel subaquatique et le tourisme, ADMO, Tome XLI 2023, p. 349.

[15] A. Maniatis, The Right to Pursuit of Happiness and Italian Tourism Law, Tourism Development Journal, Vol. 15, No. 1, 2017, p. 56.

[16] B. Ba, Le préambule de la Constitution et le juge constitutionnel en Afrique, Afrilex, janvier 2016, p. 7.

[17] Ibid., p. 35.